Confinement

Jour 32: La pandémie ou le chômage ?

Jeudi 16 avril: Nous sommes donc confiné-e-s depuis un mois. Souvenons-nous de cette saint Patrick à la maison, le 17 mars, 1er jour de réclusion…
Depuis j’ai, comme la plupart des gens, trouvé une nouvelle façon de vivre. Ou plutôt, une nouvelle façon d’occuper le temps. Pas pour qu’il passe plus vite, il est trop précieux pour souhaiter qu’il s’écoule rapidement. Mais pour malgré tout continuer à découvrir des régions peu ou pas encore explorées. C’est difficile en restant chez soi. Mais la confrontation avec soi est aussi une exploration à laquelle on ne consacre en général que trop peu de temps.
Cet exercice peut commencer par écouter son corps. Ce n’est pas simple, nous ne sommes que peu préparés à ce travail. Il comporte des risques, notamment celui de « sur-écouter » ce que dit notre corps. Ce qui peut provoquer des inquiétudes inutiles. En temps normal nous ne faisons pas attention à un petit mal de tête, une bouffée de chaleur, une tension dans le dos, une digestion difficile ou un vertige passager. Notre vie, la plupart du temps trépidante, ne nous laisse pas le temps d’entendre ces messages de notre corps.
Lorsque nous sommes enfermé-e-s, parfois avec nous-même comme seul-e compagne ou compagnon, nous disposons de plus de temps pour percevoir ces signes. C’est ce que je fais, avec plus d’acuité depuis un mois. Mais comme je suis de genre hypocondriaque, j’ai arrêté de prendre ma température et ma tension plusieurs fois par jour, à chaque fois que je ressentais un message nouveau de mon corps.
Bref, tout ça pour dire que ce matin ma tension est dans le jaune.

Je suis allé tranquillement faire quelques commissions au Biocoop Grimaldi. Il y avait beaucoup moins de monde que mardi matin, confirmation que beaucoup de personnes nécessitaient de refaire le plein du garde-manger après le week-end à la campagne.
Le reste de la journée a été très calme, sans autre sortie. Ce qui m’a permis d’achever la lecture de « l’homme qui voulait vivre sa vie » de Douglas KENNEDY. Livre qui mérite vraiment la qualification de thriller. L’auteur nous tient en halène jusqu’au bout pour savoir si l’auteur d’un meurtre (et héros du roman) va s’en sortir ou pas…
Je ne vous raconterai pas la fin, évidement. Je vous laisse découvrir…
Et comme nous sommes jeudi, la soirée s’est achevée avec Homeland. Toujours aussi captivant !
J’ai ensuite entamé un nouveau livre…

… Je n’ai pas pu m’empêcher de replonger dans un livre de Luis Sepulveda. Une sorte d’hommage. J’ai hésité un bon moment parmi la douzaine d’ouvrages de cet auteur dans ma bibliothèque. J’ai encore failli craquer pour « le vieux qui lisait des romans d’amour » (mon préféré avec « l’ombre de ce que nous avons été » et « Dernières nouvelles du Sud »), mais comme je l’ai déjà lu deux fois, j’ai finalement opté pour « le monde du bout du monde« . C’est un de ses premiers roman. Et déjà se mêlent aventure et politique…
Luis Sepulveda est un romancier chilien, même s’il a vécu une très grande partie de sa vie à l’étranger. C’est le prix qu’ont dû payer de nombreux chilien-ne-s qui ont participé avec Salvador Allende à ce moment historique inoubliable. Prix élevé, mais bien moins que celui payé par toutes les personnes exécutées…
J’avoue avoir éprouvé une réelle tristesse en apprenant son décès (de la Covid-19). Mais sa disparition m’a au moins permis de me replonger dans sa bibliographie. J’ai ainsi pu m’apercevoir qu’il y avait au moins trois de ses ouvrages que je n’avais pas lu!
De quoi passer encore quelques belles heures avec lui…

Luis Sepulveda

Puisque la Covid-19 nous enlève tous les jours des gens aimés (elle enlève aussi des gens qu’on aime pas), voyons où nous en sommes de cette guerre.
Comme je l’ai signalé dans mon article du mardi 14 avril, le ton de l’intervention présidentielle a changé. Ce n’était plus le ton guerrier des premiers jours. Il est même allé jusqu’à reconnaître des erreurs. Pas les siennes, n’exagérons pas, ou alors celle qu’il a pu commettre à cause des autres.
Et parmi ces erreurs, que faut-il penser du retour du porte avion Charles de Gaulle ? Avouons que l’exécutif s’est couvert de ridicule en affichant un ton guerrier et en envoyant des bateaux (dont le dit porte avion) à l’autre bout du monde pour aider les populations d’outre-mer, alors que le plus beau fleuron de notre armée est lui-même un cluster de la maladie !
Il va être intéressant de suivre le déroulement de l’enquête. De toute évidence des gradé-e-s vont être sanctionné-e-s. Mais à qui fera-t-on croire que les politiques au plus haut niveau n’ont pas participé à la décision de ne pas annuler la mission dès les premières alertes ? Ce sont plus de 700 personnes qui ont ainsi été contaminées.

Cette affaire arrive mal, à un moment où Macron a pris des décisions politiques fortes. En annonçant le 13 avril la reprise de l’économie pour le 11 mai, le Président de la République a fait un choix grave. Cette décision, il l’a prise seul, puisque la grande majorité du gouvernement a appris la teneur du discours présidentiel un quart d’heure avant l’allocution. Depuis, nous n’avons pas senti un enthousiasme délirant de la part des ministres. Certains (Blanquer, Castaner) allant même jusqu’à modérer les annonces.

Et en regardant l’état de notre administration et du consensus national, il y a de quoi s’inquiéter. Déconfiner nécessite la mise en place de protections autres. Or ces moyens de protections ne seront pas prêts le 11 mai.
Alors pourquoi Macron prend-il un tel risque ?

Dans une rubrique publiée par le Monde du 15 avril, l’écrivain italien Roberto Saviano parle du dilemme auquel nous sommes confronté-e-s. « Mourir de la pandémie ou du chômage« .
C’est l’alternative à laquelle sont confronté-e-s les dirigeant-e-s de nos pays. Quel est le risque le plus important ? Arrêter le confinement et provoquer quelques millions de mort (au niveau mondial) par maladie ou continuer le confinement et provoquer des millions de morts de pauvreté !
Soumis-e-s à la pression des responsables économiques, la plupart des dirigeant-e-s politiques ont fait leur choix. Pour elles et eux, il est urgent que l’économie reparte.
Mais ce qui est en jeu, ce n’est pas uniquement la mise au chômage de millions de personnes qui vont ainsi être privées de moyens de subsistance. C’est la mort de tout un système économique. Plus longtemps l’économie est arrêtée, plus elle risque de ne pouvoir repartir.
Pour les responsables économiques il faut absolument sauver ce système. Ils doivent donc aller vite, ne pas perdre de temps en confinement inutile.
Pour nous, il est indispensable de pouvoir utiliser la déflagration qui a commencé pour construire un autre monde. Il faut aussi que nous allions vite, mais le changement de paradigme prendra du temps…
Alors il est important de montrer que l’humain reste notre priorité. C’est pourquoi il faut continuer à sauver des vies.

Il est de notre devoir de sortir de l’alternative morbide que nous a présentée Roberto Saviano.
Le choix n’est pas entre la mort et la mort. Le choix est entre la mort et une autre vie…

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