Confinement

Jour 21: Un long dimanche

Dimanche 5 avril. S’il est un jour qui ne restera sans doute pas dans ma mémoire, c’est bien celui-ci.
Un jour sans rien. Une petite sortie le matin pour acheter quelques fruits et du pain. Un moment pour écrire le billet quotidien de mon blog. Le repas frugal. Une courte sieste. Et de la lecture…
Puis, à partir de 18h, posté devant la télévision. Repas. Barnaby et au lit…
Heureusement qu’il reste la lecture. Toujours avec Douglas Kennedy.

Le dimanche a toujours été un jour dérangeant. Autant le samedi pouvait être un moment sympa et excitant, autant le dimanche était triste et ennuyeux.
Lorsque nous étions enfants, c’était le pire jour de la semaine. Il y avait bien les sorties avec papa pour jouer au ballon au bois de Boulogne, pas très loin de chez nous. Parfois nos parents passaient la journée avec des ami-e-s de l’immeuble où nous habitions. C’étaient des moments pas toujours agréables pour nous, excepté le fait que cela représentait une rupture dans les habitudes.
Mais c’était le seul moment où nous pouvions regarder la télé chez ces voisins. C’est là que j’ai vu les épisodes de « Thierry la Fronde« . Puis de Zorro… Si j’avais su que je reverrai ces épisodes pour la 20ème fois au moins 55 ans plus tard !!!

Et puis le dimanche est devenu le jour du plus long entraînement sportif (gymnastique) de la semaine. De 9 heures à 12h, plus la douche (lieu de déconnade débridée)… Nous rentrions à la maison vers 13h, toujours trop tard pour maman qui avait préparé un bon repas.
Au fur et à mesure du temps, ce repas du dimanche midi est devenu le moment de rencontre de la semaine. Ados, nous commencions à avoir des vies un peu autonomes, avec des copains différents, des intérêts divergents. C’est le dimanche que nous nous retrouvions. Encore fallait-il que papa ne travaille pas et que n’ayons pas une compétition…

A ce moment, nous étions dans la seconde partie des années 60. C’était une période très agitée socialement et idéologiquement. Et inévitablement, tous les repas du dimanche finissaient par une discussion virulente (pour le moins) entre papa et moi. Maman essayait de nous calmer, de détourner la conversation. Mes frères allaient jouer dans leur chambre.
C’est à cette période que j’ai commencé à prendre goût au débat politique. Commencé à apprendre à structurer ma pensée, à organiser des arguments.
Papa et moi étions aussi têtus l’un que l’autre. Aucun ne voulait céder. Il n’était pas rare que nos arguments soient de mauvaise fois. Mais l’essentiel n’était pas là. L’essentiel était d’affirmer et de défendre une position.
Invariablement le repas s’achevait avec maman qui se mettait en colère et quittait la table.
Papa et moi buvions un dernier verre. Puis nous passions à autre chose.

C’était les dimanches de ma jeunesse. C’était l’époque où j’étais persuadé que nous allions changer le monde, que nous allions corriger toutes les erreurs que nos parents nous avaient léguées.

… et ce monde, ma génération l’a changé, hélas !!!

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