Confinement

Jour 15: L’angoisse qui monte…

Lundi 30 mars. Tout le monde va bien chez nous. Ça commence à être long, mais finalement, il me semble que le plus dangereux, ce serait de s’habituer à ne rien faire.
Aujourd’hui, j’ai eu du mal à me remettre au travail, après deux jours de week-end, pendant lesquels je n’ai touché à aucun mail ni travaux militants…
Je commence à me dire que le retour à la  » normale « , s’il a lieu, ne va vraiment pas être simple…

Alors pour ne pas sombrer dans le désœuvrement complet, aujourd’hui c’était jour d’entraînement.
Petit footing (toujours le même autour du pâté de d’immeubles) puis un peu de musculation du buste et des bras…
Ça défoule toujours un peu.

Il reste que cette situation est quand même très anxiogène.
Pour échapper à cette angoisse qui monte, pour moi, pour ma famille, mes ami-e-s, je m’applique un certain nombre de règles :
– ne pas (ou très peu) passer de temps sur les réseaux sociaux,
– ne pas regarder de chaînes d’info en continu,
– ne regarder les  » infos  » qu’une fois par jour,
– faire un tri drastique des mails à lire,
– lire un ou deux journaux dans son intégralité et non les seuls articles liés à la pandémie.

Je m’applique cette discipline depuis plus d’une semaine maintenant. J’avoue que je trouve plus sain de s’extraire du flux de fausses nouvelles, des critiques acerbes mille fois répétées par des gens qui savent, des devins de l’après corona, etc.

Cette situation me rappelle une autre époque de ma vie, une époque très lointaine. J’avais dix ans !
C’était juste après la guerre d’Algérie, en 1962 – 1963.
Dans ces années, nous habitions dans la banlieue ouest de Paris, à Puteaux. Je me souviens que nous étions logés dans un grand immeuble de 12 étages, avec une vue superbe sur Paris. De nos fenêtres nous voyions la tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, etc.
Mais si la fin de la guerre signifiait une victoire et une fête pour le peuple algérien, l’ambiance était bien différente en France, et particulièrement à Paris.
L’OAS (organisation d’extrême droite qui n’a jamais admis la  » perte  » de l’Algérie) continuait la guerre en métropole. Toute les nuits, il y avait des bombes au plastic qui explosaient. Chez nous, si la vue portait loin sur un Paris magnifique, le son se propageait aussi très loin.
C’est ainsi que le soir est devenu un moment d’angoisse pour moi. Je redoutais cette nuit qui arrivait, avec sans doute son cortège d’explosions…
Je n’écoutais plus les informations (à la radio, puisque nous n’avions évidement pas de télévision). Je me bouchais les oreilles au moments des infos. Je refusais de regarder un journal. Mon père achetait le Parisien Libéré à l’époque.
En ce temps là, je suivais des cours de piano. Mes deux frères aussi. Nos parents payaient cher des cours privés pour nous apprendre la musique.
Parmi tou-te-s les autres élèves de ce cours, il y avait une des enfants du maire de Puteaux, Georges Dardel. C’était un cacique de la SFIO, qui a soutenu le combat pour la libération du peuple algérien.
Plusieurs fois, la villa où ils habitaient a été plastiquée. C’était un choc à chaque fois. Entendre une bombe est un choc, toujours. Connaître les gens chez qui la bombe explose est un choc encore plus violent. Heureusement, il n’y a jamais eu de blessé-e-s dans ces explosions très proches (physiquement et affectivement) de chez nous.
Puis les explosions nocturnes se sont espacées. L’OAS a essayé d’assassiner De Gaulle, sans succès.
Et les choses sont rentrées dans l’ordre, jusqu’à ce que Mitterrand gracie les chefs en exil de l’OAS !!!

A soixante ans d’écart, les deux situations n’ont évidement rien de commun.
Sauf mon angoisse, sauf ma réaction face à cette angoisse.
L’occasion simple, peut-être, de se remémorer le passé !

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